Rencontre avec "Grand Blanc"

À l’occasion du 11ème festival des Indisciplinées j’ai pu rencontrer le groupe Grand Blanc au complet. Étoile montante de la scène « indé » française (si ce terme veut toujours dire quelque chose), reconnaissable à son esthétique poétique, sombre et électrique, le quatuor messin a accepté de répondre à mes questions lors d’une interview fort enrichissante. Mais qui malheureusement fut écourtée, avant même que nous entrions dans le vif du sujet…

 

 

Quand avez-vous joué pour la première fois en tant que Grand Blanc ?

Benoît : On ne sait plus exactement, ça doit traîner quelque part dans les archives du web… En 2013, un truc comme ça.

A cette époque auriez-vous pu imaginer vous retrouver à cette place-là ?

Benoît : Pas du tout ! Pour être vraiment honnête, en fait on n’essayait pas trop de s’imaginer quoi que ce soit.

Vincent : On peut dire que ça nous est tombé dessus, on n’a pas fait tellement – au début en tout cas - pour que ça démarre. Et puis quand ça a démarré on s’est rendu compte qu’on avait de la chance et on s’est mis au taf comme des malades. Mais c’est vrai que quand on a commencé, on faisait ça parce qu’on était des potes et qu’on voulait faire de la musique ensemble.

Quelle succession d’évènements vous ont amené ici ?

Vincent : Une première coïncidence c’est notre rencontre avec le label Entreprise. Et le fait est que quand il y a une première rencontre comme ça, on se met à parler de toi et finalement ça peut arriver assez vite.

Quelle formation musicale avez-vous reçu ?

Luc : Camille et moi on s’est rencontré en 6eme au conservatoire à Metz, moi j’étudiais les percussions et Camille la contrebasse et la harpe. On jouait souvent ensemble dans l’orchestre du conservatoire, de la sixième jusqu’à la fin du lycée.

Benoît : Moi j’ai eu un professeur absolument super qui s’appelait Paroles.net et un autre qui s’appelait Guitaretab, j’avais les cheveux longs et je n’ai jamais eu de prof de guitare…

Camille : Si t’en a eu un.

Benoît : Oui pardon, Pablo Steinberg. Mais ça a duré six mois, je ne voulais pas trop faire de cours de musique parce que je complexais un peu. Mais j’ai commencé la guitare à quinze ans, et puis je chantais. Ça m’intéressait beaucoup pour écrire des chansons. Donc voilà, pas trop de formation musicale mais… ce n’est pas grave parce que je suis en hauteur, je m’en fous. (rires)

Vincent : Moi j’ai fait que des cours privés, jamais en conservatoire, j’ai fait du piano de cinq à dix ans. À partir de dix ans j’ai fait de la guitare, j’ai dû en faire en cours pendant huit ans peut être. Et j’ai fait un petit peu de basse et un peu de batterie, tout ça en amateur.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous rassembler pour monter un groupe ?

Camille : Il a commencé vraiment quand on est arrivé à paris, qu’on s’est retrouvés en tant qu’expatriés messins, qu’on a rencontré Vincent parce qu’il était ami avec Luc et qu’on a découvert que en se mettant tous derrière un ordinateur et en faisant fonctionner notre tout nouveau logiciel avec des effets, c’était hyper drôle. C’est là qu’est né vraiment grand blanc, quand on s’est rendu compte du nombre de possibilités qu’on avait derrière un ordinateur

 

 

Vous composez directement à l’ordinateur, ou vous essayez d’abord avec vos instruments ?

Camille : Non, on fait directement avec l’ordinateur.

Vincent : On enregistre des petits trucs, souvent des boucles, qu’on met les unes derrière les autres comme des lego, ensuite on pose du chant dessus.

Camille : On branche nos instruments à la carte son de l’ordinateur et on peut poser des parties de chaque instrument dans le logiciel et puis on tripe avec des effets, avec des boucles.

Vincent : Je trouve que ça ressemble beaucoup plus a de la prod de rap qu’à de la composition de groupe de rock

Luc : On ne se met pas derrière nos instruments et on jamme. On jamme derrière un ordinateur avec un logiciel.

C’est en quelque sort de la compo virtuelle ?

Benoît : Oui c’est ça, en fait c’est vraiment ça qui nous a rassemblé parce que c’est quelque chose qu’on ne connaissait pas, aucun d’entre nous. C’est comme petits frangins qui auraient eu un nouveau jouet super cool pour noël tu vois, on l’a déballé et on a fait : wow ! Genre un skateboard tu vois.

Donc vous n’aviez vraiment aucune formation pour tout ce qui est production numérique ?

Luc : On avait un peu des bases avec nos études de réalisation audio-visuelle, on avait un peu le nez dans tout ce qui est technique de son, technique de production, synthétiseurs…

Vincent : Après c’était surtout une formation d’ingénieur du son donc du côté enregistrement, mixage. Mais c’est vrai qu’au final, la prod moi je ne savais pas en faire.

Camille : Mais ce qui est marrant c’est qu’au début, Luc et Vincent c’étaient ceux qui savaient le mieux se servir de l’ordi et nous avec Ben on ne savait pas. Et puis maintenant on sait tous les quatre et on est tous les quatre aptes à faire de la production - entre guillemets.

Benoît : De manière très différente chacun On s’est retrouvé aussi pas mal autour d’un outil, c’est devenu un terme un peu has been : la MAO, la musique assistée par ordinateur. On fait en fait un truc qui se rapproche de chansons et de rock, mais par ce biais là ça change vachement l’approche de ce qu’on met de rock et de chanson là-dedans, ça en ressort très différemment et c’est ça qui nous a intéressé.

Camille : Je pense que ça nous a vachement influencé dans notre perception de la musique qu’on fait, c’est-à-dire qu’il n’y a pas vraiment de hiérarchie entre le texte, la mélodie et la musique qu’il y a derrière, c’est aussi important pour nous. Même si on a envie que les mélodies se tiennent et que les textes soient présents, on a envie aussi que les gimmicks de synthé, les parties de batterie et ce jusqu’aux effets qu’on met sur nos morceaux aient une importance considérable, on met tout sur le même pied d’égalité.

Vous pensez qu’aujourd’hui le métier de musicien est indissociable de certaines compétences en matière de production et de « M.A.O. » ?

Luc :  Ça dépend de ce que tu fais, mais non tu peux très bien ne rien connaître et être un très bon musicien.

Benoît : C’est ça, ça dépend de ton registre musical mais c’est vrai qu’il y a beaucoup de groupes, notamment presque tous les jeunes groupes français que parfois les gens sont tentés d’appeler une scène, flirtent avec ça, avec de logiciels craqués à la con. Ils font leurs maquettes comme ça et ce n’est pas nécessaire mais ça devient quelque chose d’assez présent. Mais effectivement il y a des questions, faire de la prod sur un ordi c’est pas produire un disque en studio, qu’est-ce que c’est que la prod…

Camille : Quand on dit qu’on sait tous les quatre à peu près produire, en fait on n’est pas des producteurs.

Benoît : Genre pas du tout.

Camille : Enfin on est aptes à fabriquer nous-même nos maquettes avec un ordinateur mais quand on va en studio on se fait aider par un producteur, qui lui sait vraiment bien maitriser toutes les machines et peut nous aider à défricher ce qu’on a fait. Nous on est capables de faire des sortes de brouillons avec nos ordis

Luc : Un producteur, par exemple pour les boucles de batterie qu’on a fait en midi avec les sons du logiciel, il va voir ça, on va entrer en studios et il va dire « bah tiens on va utiliser cette machine, cette boite à rythme analogique, cette grosse bécane elle va venir traduire ce que vous avez fait sur la maquette de façon plus propre avec une vraie identité ».

Benoît : Ça crée des trucs intéressants. Et puis des fois t’as une intuition, tu fais une maquette, tu te dis « ok ça va être super en studios » et tout puis en fait tu peux aussi te planter. En fait c’est la richesse  du truc , c’est que tu produits déjà ton morceau mais pas définitivement. Nous, notre échange avec notre producteur, avec Adrien Pallot et aussi avec Nathan Herveux - c’est un binôme qui a fait l’album - c’est beaucoup ça : c’est parfois tu n’as pas d’idées et tu demandes au producteur d’emmener le morceau et parfois il va t’aider à concrétiser l’intuition que tu peux avoir. C’est une relation qui est super intéressante et …

Camille : et complexe.

Et donc au niveau de la composition ça se passe comment, chacun apporte sa partie ou vous travaillez ensemble ?

Benoît : C’est total bordel en fait, on compose ensemble et séparément, justement parce que en fait la compo n’est pas dans une pièce elle est sur un ordi donc, on peut se le passer, on peut avoir plusieurs versions d’une même session, on travaille dans nos coins. En fait on a bossé avec quatre ordinateurs mais dans la même maison, alors après on finit par se retrouver sur un ordinateur parce que ça se fait ensemble au bout d’un moment. Et en fait eu début on faisait ça parce qu’on ne savait pas comment s’organiser, et en fait au fur et à mesure qu’on a composé Mémoires vives notre premier album, on s’est rendu compte qu’en fait c’était ça notre organisation : c’est d’envoyer des idées, de les rebalancer de clé usb en clé usb et de ne pas figer ça trop vite, de figer ça le plus tard possible. Donc voilà c’est le bordel, ça part d’une batterie, d’un gimmick de synthé, ça part d’un riff de gratte, ça part d’un riff de basse, ça part d’un peu de texte, jamais de la même manière.

Et au niveau du choix de la voix principale, il se fait comment ?

Camille : C’est aussi aléatoire que les autres trucs, ça dépend, il y a des chansons de l’album où on a fait plein d’essais, genre cinq ou Ben chantait, cinq ou je chantais, sur des versions différentes et on a opté plus pour l’une que pour l’autre. Après il y a le texte que Ben écrit, qu’il chante et on ne se pose même pas la question et il y en a d’autres qu’il écrit en disant : « hé je crois que j’ai un truc pour toi », puis il y en a on ne sait pas trop.

C’est donc toi le poète, Benoît ?

Benoît : Non j’essaie d’être le moins poète possible… Après on essaie de faire une musique qui est poétique mais en gros, ma manière d’écrire m’est quand même propre, mais c’est aussi la manière d’écrire du groupe quand même et c’était une manière d’écrire qui n’était pas du tout la mienne avant de faire ce groupe, j’ai appris à écrire comme ça, pour et par le groupe, c’est beaucoup donnant-donnant. Et voilà comme on disait, c’est le bordel, cette non-organisation, elle a aussi servi à ne pas avoir ce schéma de « j’apporte un texte, on met de la musique autour », c’est pas comme ça qu’on aime travailler et … en gros on essaie d’alléger le texte pour que tout soit à part égale et que ce soit le plus équilibré possible

Joris

 

 

 

 

 

Rechercher