The Liminanas en interview

Interview de ce groupe originaire de Perpignan encensé par la critique.

 

Chaleureux et accueillant, Marie et Lionel Liminana sont des amoureux du rock et de la musique en général. Ayant eu la gentillesse de répondre à nos questions, ils nous racontent leur histoire...

 

Vous avez un parcours pour le moins atypique, utilisation de MySpace et surtout une musique ayant comme paroles les recettes d’un plat par exemple…

Lionel Liminana : Les migas ! Moi je suis pied noir espagnol d’origine et cette recette est un plat typique traditionnel des pieds noirs d’Algérie. Je trouve ça délicieux mais qui peut tuer quelqu’un s’il n’a pas le foie assez solide ! C’est à base de semoule et de charcuterie.

Donc oui la face B du premier single qu’on a fait c’est Migas 2000, la recette exacte des migas de ma grand-mère parce qu’on n’avait pas de textes et que ça nous faisait marrer.

 

Comment tout a commencé ? Comment tout est parti ?

L.L : En fait tous les deux, on a joué dans pleins de groupes depuis 1988. On vient de la scène garage punk pure et dure à une époque où ça n’intéressait personne. On arrivait à tourner en France mais c’était seulement dans un réseau très particulier. On venait beaucoup en Bretagne, aux tontons flingueurs à Rennes par exemple. Tous les deux on vient de Perpignan, où il y avait une vingtaine de musiciens, branchés sur cette musique-là. On avait tous des groupes en commun où tout le monde jouait avec tout le monde. Un moment donné, les Sonic Chicken 4 ont signé sur un super label californien, IntheRed, et sont partis en tournée aux Etats-Unis puis, sur une grosse tournée européenne. Du coup, ça a un peu amputé tous les groupes et on a commencé à bosser tous les deux. On a voulu envoyer les chansons à mon grand frère à Paris donc on a fait un MySpace. On s’appelle Liminana donc est devenu les Liminanas comme pour les Ramones, parce qu’on trouvait ça drôle. A l’époque c’était une vraie révolution ce site, parce que ça mettait les gens en contact avec des goûts communs, dédiés à la musique. On avait en plus nos amis de la scène garage sur MySpace et, par ces liens, en étant ami avec des amis d’amis, les labels sont tombés sur notre compte très vite. On a reçu un premier mail de HoZak Records, un super label de hardcore et de garage américain. On leur dit qu’on avait pleins de morceaux, ce n’était pas vrai on avait vraiment rien. On s’est fait prêter du matos pour enregistrer, dans notre salon, « Je ne suis pas très drogue » et « Ballade pour Clive ». De suite, ils ont commandé un album et on s’est retrouvé dans une espèce de tornades de projets qui tombaient, embrigadés dans une aventure de groupe pas du tout prévu. Comme après l’album ils nous ont proposé une tournée aux USA, on a dû monter un groupe live pour jouer sur scène parce qu’on bricolait les titres tous les deux.

 

M.L : Et parallèlement, le label a aussi grandi car c’était au départ les 45 tours et en même temps qu’on sortait les titres, ils ont commencé à faire les 33 tours.

 

L.L : Ça va faire 10 ans l’année prochaine mais rien n’était prémédité. On n’a toujours pas de plan de carrière, on a rien de calculé.

                                              Photo Mr G

 

Maintenant vous êtes un groupe confirmé qui joue dans la cour des grands, vous avez avec fait des collaborations avec Anton Newcombe, Peter Hook et Primal Scream  qui vous a fait de très beaux compliments...

L.L : Ça c’est hallucinant d’ailleurs.

 

Donc est-ce que pour le futur vous avez des envies pour de prochaines collaborations ?

L.L : On en a tout le temps envie, il y a pleins de gens avec qui on voudrait faire des trucs mais rien n’est prévu pour l’instant. Si, on a un disque de prévu mais je peux pas encore t’en parler. Sinon on adorerait bosser avec Warren Ellis qui est un de nos héros.

 

M.L : Après, ça se fait au fil des rencontres.

 

L.L : J’espère qu’on le fera un jour mais il y a des tas de gens avec qui on aimerait travailler

 

Votre nouveau single, « Istanbul Is Sleepy » et son clip, est extrêmement psychédélique. Ça donne une nouvelle touche donc est ce qu’il y aura plus tard d’autres changements dans les albums ? Encore une évolution ?

L.L : Ça peut vraiment complètement évoluer de plein de façons différentes. Là le disque sonne différent parce qu’on l’a enregistré chez Anton Newcombe à Berlin, enfin, on a fait la moitié chez nous comme d’habitude et l’autre moitié chez lui, et quand Anton fout une guitare ou un mellotron ça change complètement l’atmosphère du titre.

Peut-être que le prochain album on le fera que tous les deux, enfermés dans notre garage, ou alors avec quelqu’un d’autre. On est vraiment ouvert à des tas de possibilités de collaborations comme on l’a fait avec Pascal Comelade avant et je ne peux pas te dire ce qui est dans les tuyaux pour l’instant.

On ne peut pas dire que vous êtes un groupe dit « à la mode », comment pouvez-vous expliquer votre succès ?

L.L : Alors là je n’en sais foutrement rien ! Ce qui fait que la musique a séduit les gens sincèrement c’est difficile à identifier.  Nous on est allés de surprise en surprise. Il y a cette histoire de label américain depuis le début et c’était très surprenant que deux labels de Chicago nous branchent en même temps. Après la presse a été plutôt bonne, on a été plutôt gâté jusqu’à présent que ce soit Mojo en Angleterre ou des magazines américains ou encore la presse française avec les Inrocks, Rock and Folk  et FranceInter qui passent nos morceaux depuis le début. Il y a pleins de gens qui nous ont vachement suivis et aidés.

Pour les américains et les anglais je pense qu’il y a toujours un aspect un peu exotique dans la musiques française vu de leur côté. Je pense que nos maladresses dans la façon de chanter en anglais, créées une espèce d’atmosphère ou un son qui les intéresse. Après du côté français, j’aurai du mal à t’en parler. En tout cas, même quand Anton Newcombe nous branche, c’était aussi très surprenant.

 

Dans vos musiques vous chantez plusieurs langues : l’anglais, le français et un peu d’italien… Pourquoi tous ces choix ?

L.L : Parce qu’on aime les sonorités, qu’on aime la musique sixties italienne tel que tu peux la retrouver dans la comédie italienne des années 60, toute cette atmosphère et la musique de western spaghetti italien.

 

Avec des références à Sergio Leone par exemple.

L.L : Bien entendu, c’est inconscient mais dans la façon d’enregistrer les fuzz... L’italien on l’a fait une fois réellement avec la chanteuse Francesca Cusimano. C’est un truc qu’on aimerait vraiment refaire parce que l’italien c’est super. Puis après on choisit des textes en anglais, en français en fonction du moment et de la sonorité du texte.

 

Quand on écoute votre musique, on a beaucoup d’images en tête comme dans un film. Est-ce que vous avez des références cinématographiques ? C’était votre envie ?

L.L : Oui vraiment. C’est pas calculé mais on structure les disques comme des moyens métrages de 40min.

 

Parce-que quand on ferme les yeux, on a des images qui viennent en tête.

L.L : C’est l’idée mais ça aussi c’était pas calculé. Au début c’était plus un format pop classique. Dès qu’on a commencé à enregistrer, avec la face B de la recette de ma grand-mère par exemple, on a commencé à s’amuser comme ça, à structurer les disques et à raconter des histoires en choisissant des thématiques particulières. « Cristal Anis » c’était plus une période de deuil pour nous, le 3eme album, « Costa Blanca », parlait des souvenirs d’enfance en Catalogne et on prend plaisir à travailler dans ce sens-là. En racontant une histoire avec un aspect cinématographique.

 

Comment vous composer votre musique ? Vous avez un ordre précis ou c’est encore une fois au « feeling » ?

L.L : On a un studio qui est dans notre garage, dans lequel je bosse tout le temps. On enregistre pleins de morceaux régulièrement, des tas de démos… Quand on est dans l’optique de faire un album, on structure l’équivalent d’un double album sur Itunes avec les maquettes. On en rajoute, on en élimine, on enrichit les maquettes en travaillant de façons plus approfondis sur certains titres. On écrit les textes en même temps et les albums se structurent, se montent de cette manière-là et assez rapidement. Après ce qui prend le plus de temps, c’est quand on décide d’inviter quelqu’un à intervenir et le moment du mixage. On essaie de travailler assez vite et on s’est rendu compte qu’Anton Newcombe travaillait encore deux fois plus vite que nous, ou encore des gens comme Pascal Comelade... Je trouve même qu’Anton c’est de mieux en mieux.

On en vient à ça : vous faites un rock américain aux allures de Brian Jonestown Massacre, de Velvet Underground et une petite touche de Serge Gainsbourg dans les paroles. C’est une structure originale. D’où vient votre inspiration ? Quels sont tous les artistes que vous admirez ?

L.L : Alors là… on a vraiment pleins de disques…

 

M.L : Pleins !

 

L.L : On écoute de la musique depuis qu’on est super jeunes. Avec un net blocage sur la musique des années 60, populaire et aussi beaucoup beaucoup de la contre-culture américaine de l’époque. De tous les groupes très obscurs que tu trouves sur les compils garage des sixties avec The Nuggets par exemple. On écoute ça depuis toujours parce qu’on avait la chance d’être dans une ville avec un disquaire qui proposait ce genre de disques. On a découvert ça super tôt. Aussi l’amour pour les Cramps, tout le punk américain, toute la musique new-yorkaise barré qui s’inspirait aussi de cette contre-culture américaine des années 60. Et le cinéma trash de l’époque. En fait, on n’a jamais cessé d’écouter ça.

Maintenant on est un peu moins surpris par le sixties punk parce qu’on a fait un peu le tour, on a acheté tellement de disques... On continue à découvrir quelques musiques de temps en temps mais on est moins bloqué là-dessus. On croise Pascal Comelade, d’autres groupes et tu fais ta vie de musiciens et de fan de musique comme ça.

 

Finalement tout est allé très vite pour vous, vous avez passé des étapes très rapidement. comment vivez-vous cela ? Il y a eu des grands changements ?

L.L : Il y a des problèmes de planning mais le changement de vie au quotidien n’a pas vraiment évolué vu qu’on a toujours fait de la musique sauf que là c’est devenu un métier. Par contre, c’est compliqué à notre âge dans le sens où tu dois prendre en compte les aspects familiaux, parce que Maria bosse toujours, et t’as pas ce genres de problèmes avec un groupe créé au lycée.

Dès fois, c’est compliqué de partir jouer, de refuser des dates que t’adorerais faire mais tu ne peux pas, parce-que c’est tout simplement impossible. On est allé qu’une fois aux États-Unis et j’ai vraiment la frustration de ne pas y retourner une fois par an. On est allé en Australie l’année dernière et on doit faire un choix, on ne peut pas faire les deux dans la même année parce qu’on ne fais pas que ça.

 

M.L : Et puis il y a le petit aussi.

 

L.L : Oui voilà. On a un enfant, nos camarades du groupe ont aussi des gamins. On fait très attention à ne pas exploser le groupe en vol donc à limiter le nombre de concerts qu’on fait chaque année. On fait attention les uns aux autres par rapport à ça parce que ça foutrait tout en l’air, de manière à pouvoir continuer, plutôt que de faire 130 dates et exploser comme 90 % des groupes.

 

Léo Evin / Photos de Manon Sourice

 

 

 

 

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