Les particules élémentaires au théâtre

A peu près au milieu du déroulement parfait de mon interview  rêvée avec Julien Gosselin, je demandai au détour d'une interrogation métaphysique, l'air de rien, si son idée de transposer au théâtre un roman était originale, ou s'il reprenait un concept préexistant. Intéressant comme question non ? ...

 

Je la trouvais pertinente, mais, problème, il s'agissait de la preuve vivante de mon inculture théâtrale et elle faisait tâche dans l'entretien qui faisait dialoguer le talentueux metteur en scène avec "ses fans", en l'occurrence une charmante dame extraordinairement érudite et qui discutait réellement et avec aisance de sujets bien plus vastes que celui de la métaphysique seule.

Originale ou pas, il n'en reste pas moins que l'idée du "jeune" metteur en scène Julien Gosselin de porter l'oeuvre de l'écrivain controversé Houellebecq, Les Particules Élémentaires, sur l'espace théâtral, est lumineuse et pleine de sens. La genèse de l'idée, la prime volonté d'adapter sur scène un roman et ainsi travailler sur "le rapport du théâtre à la narration" en faisant un "théâtre classique de construction".
 
 
Construction de l'histoire, des personnages, de destins, construction des thèmes forts également, comme l'identité de l'homme, son existence, la source de ses souffrances, leur résolutions, une vision de la société aussi, parodiée, où le rire vient comme une cruelle moquerie ponctuée la mise en scène de personnages désespérés et cyniques, parfois dans leur naïveté. La transmission de ces messages multiples sera rendu claire et possible par la multiplicité des moyens de transmissions, chère au metteur en scène de Houellebecq. Peut-être une spécificité du théâtre de Gosselin, un théâtre de la musique, du mouvement, des sensations.
 
Les ponts musicaux où la troupe d'acteurs se transforment en groupe rock parsèment ainsi l'ensemble de la pièce, de la même manière que les nuages de fumée et les autres artifices théâtraux, à l'instar de l'utilisation de la vidéo et mise en scène héritée de Brecht.
 
 
L'intérêt explique Gosselin est de "s'adresser aux différentes formes d'intelligences" afin de "porter le message au-delà du bloc littéraire" que constitue l'ouvrage de Houellebecq dans "un espace poétique universel"; certes "le texte est le matériaux le plus important" de l'entité théâtral, mais Gosselin précise que "la quête de la poésie ultime, de Dieu, de la Nature" de Houellebecq, ne peut s'y résumer, que si la pièce n'avait été qu'une lecture, il y aurait eu une oblitération du message. Une façon de transcender le message de l'écrivain en le portant au spectateur d'une nouvelle manière, dans une nouvelle vision d'une oeuvre à l'importance trop ignorée. 
 
Tout se mélange et devient flou, les limites, les barrières qui séparent la forme et le fond se confondent chez l'écrivain et encore plus chez le metteur en scène, désireux d'un "théâtre qui recouvre tout". "La puissance du théâtre", une puissance évidente et subversive, doit innervés ce que construit Gosselin l'ambitieux, c'est-à-dire un théâtre à contre-courant du théâtre français actuel, sobre et épuré, conjoncture économique oblige. Avec Les Particules Élémentaires, ce sont une dizaine d'acteurs, la troupe brillante "Si vous pouviez lécher mon cœur"  qui se partagent la scène pour jouer une pièce longue de quatre heures. La proposition peut sembler rébarbative et pourtant, la puissance philosophique de l'auteur, le génie dramaturgique du metteur en scène et le talent d'acteurs truculents (l'adjectif est facile, je sais...) happent réellement et inévitablement le spectateur dans l'action flamboyante des personnages.
Progressivement, l'entretien ne pouvait qu' évoluer vers le sujet Houellebecq, la personnalité extraordinaire et controversée de cet homme, héritier des grands écrivains français classiques comme Zola, Chateaubriand ou Proust, quoiqu'en dise ma professeure de français...
 
Nans
 

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