Guillaume Brac

 

Erigé chef de file du nouveau cinéma français par les cahiers du cinéma, Guillaume Brac s'est prêté au jeu de l'interview. Nous avons parlé foot, de ses influences et d'un hypothétique projet de film sur Lorient.

"Je suis très attiré par le fait qu'il puisse y avoir une part de documentaire dans la fiction et à chaque fois que le réel est a priori plus intéressant que la manière dont tu pourrais le reconstituer, je préfère le réel." - Guillaume Brac

 

 

SPEED : Les Cahiers du cinéma, entre autres, vous ont présenté comme le renouveau du cinéma français ! Comment vivez-vous cette "héritage".

Guillaume Brac : Les journalistes aiment toujours faire des classifications, mais c'est vrai que depuis 1 an ou deux, toute une nouvelle génération de réalisateur a éclos et pour certains d'entre eux ont fait des films assez intéressants, audacieux, libres et on peut supposer que parmi ces gens-là il y a sans doute quelques futurs réalisateurs importants qui bousculent les habitudes du cinéma français. Ce sont des gens qui ont forcé la porte, qui n'ont pas attendu qu'on leur serve un film sur un plateau et on fait leur film avec pas mal de débrouille, sans beaucoup de moyens. C'est leur dénominateur commun à cette génération qui a une trentaine d'année.

 

SPEED : Dans le film, à deux reprises est souligné la différence d'âge entre Maxime et Mélodie : premièrement par le père et ensuite par Yvan l'ex de Mélodie qui le traite de pédophile ! Le visage pompon de Solène Rigot a-t-il joué dans le choix d'actrice pour souligner la différence d'âge. 

Guillaume Brac : C'est vrai ! Jusqu'alors elle n'avait joué que des rôles d'adolescentes, là c'est son premier rôle de jeune femme, de sensuelle, féminine. Jusqu'à là elle était plutôt rigolote, dans "17 filles" c'était la rigolote du groupe. Cela m'intéressait beaucoup pour une histoire de coup de foudre amoureux, presque d'obsession de choisir une jeune fille tout à fait jolie et charmante, mais assez normale effectivement avec ce visage rond, rassurant, enfantin, sympathique plutôt qu'une femme séductrice, mystérieuse, une "girl next door" comme disent les américains.

 

SPEED : C'est une pure coïncidence que le nom de la ville "Tonnerre" fasse écho aux tourments intérieurs et sentimentaux des personnages.

Guillaume Brac : C'est tout sauf une coïncidence, c'est une ville que je connais bien et qui m'intrigue depuis que je suis tout petit, notamment par son nom ! C'est un drôle de nom et quand on est enfant, ça évoque des images inquiétantes, c'est une ville qui a un climat, une atmosphère très particulière, beaucoup de maisons abandonnées, un côté gothique !

Et comme je savais que mon film parlerait d'un personnage qui subirait un coup de folie, d'un coup d'amour, qu'il y aurait des coups de théâtre assez surprenants et qu'il y avait cette passion qui gronde à travers ces personnages donc je me suis dit Tonnerre c'est un très bon titre ! Dès le début de l'écriture je savais que le film s'appellerait ainsi et se déroulerai à Tonnerre.

 

SPEED : Il y a réellement deux parties dans votre films : une première partie sentimentale et une deuxième très noire. La césure se faisant à l'occasion d'un SMS envoyé par Mélodie à Maxime à mon sens. 

Guillaume Brac : Il a effectivement pas mal de personne qui ressentent ce film comme coupé en deux parties assez radicalement différentes ! Mais certaines personnes voient le film comme un seul ensemble, comme une histoire d'amour qui trempe dans une sorte d'insouciance, mais comme beaucoup d'histoires d'amour, qui a un moment donné tourne mal et plonge le personnage dans une sorte d'incompréhension, de rage et de souffrance ! La tonalité du film épouse cela, mais c'est vrai que, au risque de dire une banalité : la vie peut être brutale. J'avais envie de ces mouvements de bascules de l'existence qui font passer du bonheur au malheur, peut-être parce que j'ai une vision pessimiste des choses, le sentiment que le bonheur ne va pas durer, que cela va s'arrêter un moment, ce qui d'ailleurs gâche le bonheur ! (rires) 

 

SPEED : Mélodie a cette réflexion là ! Quand elle dit à Maxime qu'il va se lasser d'elle.

Guillaume Brac : Tout à fait et l'ironie du sort, c'est que c'est elle qui rompt la relation. Mais si elle lui dit ça, c'est qu'elle est sans doute en train d'y penser déjà. C'est une chose qui arrive à beaucoup monde : d'aller très bien et d'un coup de recevoir un coup de massue sur la tête et cela m'intéressait que le film subisse cette brutalité là ! Que le film et le spectateur soit violenté. Mais je ne suis pas dis, je vais faire une partie comédie, rigolote, sentimentale et ensuite une partie thriller, polar. Et quand on revoit le film une première fois, on est plus sensible à ce que la première partie peut avoir d'assez pessimiste, mais ni le spectateur, ni les personnages n'y prennent véritablement attention. 

 

 

SPEED : Vos influences ?

Guillaume Brac : J'aime beaucoup le cinéma de Jacques Rozier ou de Maurice Pialat. J'ai été influencé par le cinéma américain aussi, notamment James Gray et Jeff Nichols.

SPEED : J'allais vous en parler ! De "Two Lovers", le coup de massue que subit Maxime est le même que celui de Joaquin Phoenix dans "Two Lovers".

Guillaume Brac : C'est intéressant ce que tu dis parce que c'était un film référence pour moi. La scène où Maxime attend à la gare et que Mélodie ne descend pas est notamment inspiré de ce film. Aussi, lors du cours de danse, le type est euphorique, il en fait trop. Il est charismatique et à la fois il flirte avec le ridicule et dans "Two Lovers", il y a une très belle scène en boite de nuit où Joaquim Phoenix tourne sur lui même pour impressionner Gwyneth Paltrow ! Vincent Macaigne aime beaucoup Joaquim Phoenix, on a souvent parlé de cet acteur.

 

SPEED : Le foot a une importance dans le film. Vous devez être fan ?

Guillaume Brac : Quand j'étais jeune, j'étais fan de deux clubs : l'AJ Auxerre et le PSG.

 

SPEED : Donc mi-content, mi-endeuillé, parce que l'AJ Auxerre, c'est pas trop ça en ce moment !

Guillaume Brac : Oui, mais même doublement endeuillé parce que j'ai un peu de mal à adhérer, à rêver avec le nouveau PSG. J'ai tendance à idéaliser le foot d'avant l'arrêt Bosman, c'était un foot un peu plus à taille humaine, un peu plus romantique et il n'y avait pas ces énormes disparités entre les clubs. Un petit club français pouvait encore aller en demie-finale de coupe d'Europe. 

SPEED : Vous avez tourné durant un match ?

Guillaume Brac : C'était un Auxerre-Lens je crois, je préférais ça à l'idée de prendre des figurants. Je suis très attiré par le fait qu'il puisse y avoir une part de documentaire dans la fiction et à chaque fois que le réel est a priori plus intéressant que la manière dont tu pourrais le reconstituer, je préfère le réel. Idem pour les petits rôles, ce ne sont pas des acteurs, ce sont des gens qui jouent leur propre rôle que je connais depuis très longtemps. Cela m'excitait beaucoup de faire tourner des vrais footballeurs, je ne voyais pas l'intérêt d'utiliser des acteurs. Les gens qui ne sont pas acteurs sont souvent surprenants sur deux ou trois scènes de faire des trucs très biens. 

 

SPEED : Vos projets ?

Guillaume Brac : J'ai une idée de film sur une ville côtière et Lorient est une des possibilités que j'envisage, même si c'est une ville que je connais encore assez mal. J'étais très curieux de pouvoir visiter la ville, d'ailleurs j'ai pris exprès mon train plutôt ! Mon film aura sûrement des enjeux plus politiques avec un personnage qui porte en lui une sorte de révolte. Il sera peut-être un peu plus ambitieux narrativement et plus ample. 

 

SPEED : Merci et bonne continuation

 

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